6 octobre 2021 | Actualités, Capsules

Capsule 29

‘’BON DIEU DE PITIE’’, ‘’CHRIST AUX LIENS ou AUX OUTRAGES’’, ‘’ECCE HOMO’’, ‘’BON DIEU D’GIBLOUX’’…

C’est en route que j’ai croisé d’abord une statue de Christ douloureux, puis une deuxième et ensuite encore une troisième. Intriguée, j’ai cherché leur raison d’être si nombreuses ….

Ces représentations largement répandues dans les pays du nord – Belgique, France et Allemagne – dès le XV° s. ont pour nombre d’entre-elles, survécu. Toutes correspondent à une image du Christ de la Passion. Assis sur un tertre, il présente un visage blessé très douloureux et incline la tête, son vêtement a glissé des épaules à la taille, les pieds et mains sont partiellement entravés, il est pitoyable d’où ses diverses appellations.
Pour certains spécialistes, cet ’’Ecce homo’’ correspondrait au moment où Ponce Pilate présente le Christ à la foule avant de l’abandonner à son sort comme le raconte l’évangile de la Passion. Selon d’autres, tenants de l’influence des Miracles médiévaux, le Christ déjà au Golgotha, attendrait les préparatifs de la crucifixion … Quant au surnom de Christ ‘’dit d’Gibloux/oo’’, l’expression proviendrait – peut-être – du fait que l’abbaye de Gembloux aurait multiplié les exemplaires dans ses vastes possessions…Et pourquoi pas leur origine de fabrique ?

Le fait est que dès le dernier tiers du XV° siècle *, ce Christ prend place de cette façon particulière, dans l’iconographie sans grand souci d’esthétique sauf exceptions **. Il persiste dans l’air du temps et remporte un vif succès aux XVI° et même XVII° s. Ce Jésus-là blessé et pathétique, pouvait comprendre la souffrance de ceux qui l’imploraient. Cette expression doloriste en cours au haut moyen âge, témoigne sans nul doute, d’une véritable dévotion populaire.
On trouvait ces statues le plus souvent à taille humaine, au plus près des églises où étaient serrées les sépultures jusqu’à ce que Joseph II en 1782, impose le déplacement des lieux d’inhumation totalement saturés, vers les cimetières créés dans les faubourgs. Les effigies de pierre furent conservées et reposées ailleurs.

La regrettée Christiane Piérard s’y était intéressée et en signalait 6 exemplaires à Mons dont 4 restent visibles dans l’intramuros montois.
Un Christ douloureux est installé à l’église Sainte-Waudru dans le vestibule d’accès à la chapelle de semaine. Saint-Nicolas-en-Havré en abrite un dans le transept et un autre à l’extérieur contre la façade latérale, ruelle de l’Atre. Le quatrième de moindre taille, reste enchâssé à l’étage du bâtiment d’angle de la rue des Compagnons et la rampe Borgnagache, côté droit en montant.
Les deux derniers étaient visibles il y a quelques années encore. L’un logeait au Vieux chemin de Bavay, dans la châsse du Bon-Dieu d’où il a curieusement disparu. L’autre sis au lieu-dit ‘’Trieu’’ est tellement bien gardé dans sa capelette, vestige réaménagé de la première église Saint- Nicolas-en-Bertaimont, qu’il est devenu invisible tant les vitres qui le protègent ont noirci, obscurcies par le temps et la pollution.

Eglise Sainte-Waudru dans le vestibule d’accès à la chapelle de semaine
Saint-Nicolas-en-Havré (transept)
Ruelle de l’Atre
Angle de la rue des Compagnons et la rampe Borgnagache
Christine Van Bastelaer                                 Photos: Bernard Detry
* Un seul exemplaire de pierre connu est daté 1475 à l’église St Denis de Guerbigny, proche de Montdidier (Somme).
** En Brabant, la dynastie Borman (lignée de sculpteurs exceptionnels) a laissé dès 1460 jusque 1540, des œuvres éblouissantes de bois sculpté du même sujet à Leuven, Bruxelles et ailleurs dans plusieurs églises et musées.