13 octobre 2021 | Actualités, Capsules

Capsule 30

CAPSULE LITTERAIRE.

Les cafés montois.

Pourquoi évoquer les cafés ? Il est frappant de constater que, dans nombre de textes, on fait allusion à ceux-ci. Déjà au XVIIIe siècle, l’abbé Fonson (1744 – 1812, prédicateur à Mons durant 15 ans) les mentionne dans son Petit tableau de la ville de Mons, paru en 1784 : « L’eau-de-vie est un stimulant pour les ouvriers ; il leur en faut une goutte ; mais ils la payent bien (…) La Bierre se vend au cher prix : ce qui fait que les ouvriers n’en boivent que bien peu. Elle n’est plus ce qu’elle était autrefois. Plus faible, moins houblonnée, elle est encore empoisonnée de chaux. (…) Les Bierres de Bruxelles, de Louvain, de Malines, de Hourgarde ont la préférence. Le Punch a ses amateurs : il s’en boit assez bien. Le vin, quoique chargé d’impôts, est abondant. de manière qu’on a ici ce qu’il y a de mieux en fait de boissons, et qu’avec de l’argent, on peut choisir et boire à la santé des amis » (pp. 20 – 21). A l’époque, la ville de Mons compte 16 brasseries. Et visiblement, les ouvriers y sont bons clients.
Camille Lemonnier (écrivain belge naturaliste 1844 – 1913), lui aussi, évoque les cafés dans son livre La Belgique paru en 1888. Il explique que, les jours de marché, les Borains se rendent à Mons et que la bière coule à flots dans les cabarets. On compte 41 brasseries à Mons et dans les environs.
Mais qu’en est-il des cafés montois dans la littérature belge contemporaine? La plupart du temps, ils sont présentés comme des endroits où l’on se donne rendez-vous, pour des causes très diverses.
« Nous avions pris l’habitude de nous retrouver dans le même bistrot que lors de notre première rencontre. Devant un thé ou un café, nous évoquions le monde. Ce que serait demain pour les autres mais jamais ce qu’il adviendrait de nous. Ce matin d’avril, le soleil est doux sur la Grand-Place. Peu de monde encore. Quelques étudiants séchant les cours, des garçons de café qui installent les tables et les chaises de bistrot… « Malika Madi, dans sa nouvelle A Mons un matin (2007), présente le Café comme un endroit public, où l’on cache ses sentiments privés, surtout quand il s’agit d’amours illicites. Mais c’est d’abord le lieu où l’on invite quelqu’un pour apprendre à le connaître…
D’autres écrivains présentent les cafés comme des endroits où l’on donne rendez-vous à des personnes « importantes », dans le cadre du travail : « J’avais oublié le rendez-vous avec le professeur Chavée sur la Grand-Place. Guilleret, l’ai poussé la porte de No Maison en me réjouissant de déjeuner en sa compagnie .» (Dentelles, électricité de Valérie Nima – 2009, p. 6)
Les cafés sont aussi des lieux de retrouvailles entre amis, où l’on fête des événements heureux, où l’on se raconte: « Toutes les trois, nos chapeaux vissés sur le crâne, attablées autour d’un verre, ou plutôt, de quelques verres… Nous fêtons la fin de nos études secondaires dans un café de la Grand-Place. (…) Toujours dans ce même café, nos chapeaux sur la tête. Nous accusons dix ans de plus, Lucie nous annonce sa nomination de juge. » (Aux trois verds chapeaux, Fidéline Dujeu, 2008, pp. 3 et 4)
Mais les cafés sont aussi des lieux où l’on vient pour vaincre sa solitude : « J’ai si froid. Entrer dans un café, m’asseoir à une table vide, rejoindre la chaleur, les hommes, les femmes. Faire partie de. » (p. 1)
A moins que tout simplement, on ait du temps à tuer, seul, avant une réunion, comme Toni Santocono dans Ca va d’aller ! (2009) : « Entre-temps, les terrasses se sont éclairées pour accueillir le soir et c’est un petit lampadaire rouge du genre italien qui finit par attirer mon attention. (…) Et puis, assise sous ce lampadaire, il y a une jeune femme, belle, avec une poitrine généreuse recouverte d’un chemisier vert pomme qui est en train de déguster une sorte de demi-lune glacée (…) On comprend que c’est en face de cette femme que je vais m’asseoir ». (p. 1) Je vous laisse imaginer la suite…
Par contre, d’autres choisiront les cafés, mais pas ceux de la Grand-Place, trop visibles pour des rendez-vous louches : « Le type m’appelle. Il a une sale voix, genre type qui ne boit que de la sauce d’huître et qui fume des cigarillos roulés à la maison. Il veut que je vienne à Mons. Il a un truc à me proposer. Il veut que je le rejoigne dans un café. Pas à l’Excelsior, qu’il me dit. Il m’explique qu’il y a un café en face du tribunal de commerce, qu’il sera là, qu’il boira une bière et qu’il lira un Ciné-Revue ».(Nicolas Ancion, Que j’ai répondu, 2005, p. 1).

Vivement la fin du confinement, que nous puissions retrouver ces lieux de convivialité pour y oublier notre solitude, y raconter notre vie ou encore y faire des rencontres étonnantes !

Joëlle Bonaventure

Photos Pascal Duchêne

Photo Jean-Pol Grandmont