17 novembre 2021 | Actualités, Capsules

Capsule 35

Image faisant.

LE HASARD DANS LA MAIN.

Chemin faisant, je capte une image à partager, un bel instant.
Image faisant, je pense à ce que je vais vous dire maintenant.

La statue des fondateurs de la faculté polytechnique, rue de Houdain,
a toujours capté mon attention, particulièrement la position des mains.
Majestueux ensemble, empreint de réalisme.
En y regardant de plus près, quel étonnement fut le mien !
Un étudiant espiègle était passé par là en y glissant un dé.
Mes pensées devinrent soudain poétiques et métaphysiques.
La lecture au second degré de cet humour potache pourrait nous dépasser.

Un coup de dés jamais n’abolira le hasard.

C’est en 1897, deux ans avant sa mort, que Stéphane Mallarmé écrivit ce poème hors norme qui s’étale sur onze doubles pages, joue de toutes les variations typographiques, taille, majuscules, italique et entoure la sentence principale d’une multitude de propositions secondaires qui plongent le lecteur sinon dans la perplexité du moins dans de profondes interrogations. Ce poème qui ne sera publié qu’après sa mort sera considéré comme son testament.

Lecture difficile, style et cheminement de pensée ardus.
Le poète en quête d’une cohérence rythmique se disperse dans l’espace typographique.

Dans un cours vidéo (*) donné dans le cadre d’un module intitulé « Poésie et Prouesse », en 2007, à l’Université Rennes II, le professeur Denis Hüe parlera de densité de sens complexe quant au fond et de beauté calligraphique du texte quant à la forme…

Il y est question d’un naufrage métaphysique, d’un Maître dont le navire fait naufrage et qui, avant d’être avalé par les flots, s’apprête à lancer les dés en un ultime défi au Ciel déserté. Allégorie de l’écroulement de l’ordre d’hier et de l’avènement de l’incertitude.
Quand on lance les dés, on attend une réponse, un nombre. Une seule et unique réponse.
Mais quel que soit le nombre, il est lui-même le hasard.

Accepter de jouer aux dés, c’est se réfugier en un endroit du monde dont Dieu se désintéresserait, où il n’existerait pas !
Notons pour terminer ce court cheminement philosophique, que le mot hasard vient de l’arabe azzahr qui désigna jusqu’au 12ème siècle un jeu de dés.

La boucle est bouclée…

Texte et photo: Bernard DETRY

(*) https://www.youtube.com/watch?v=Q0JH7XCeXrI