27 juillet 2018 | Actualités

Hommage à notre secrétaire Pierre Moiny

Pierre et DéborahL’année nouvelle est synonyme de joie, mais pour notre association, elle s’ouvre sur la tristesse : notre secrétaire dévoué depuis 31 ans, Pierre Moiny, n’est plus. Il est décédé la nuit du 31 décembre au 1er janvier. Depuis plusieurs semaines, son état de santé s’était dégradé mais personne ne pensait qu’il partirait aussi soudainement.

Dès les débuts et jusqu’il y a peu, Pierre était la cheville ouvrière du fonctionnement quotidien de la MMM : Interface, la gestion des souscriptions et réservations, les archives, la personne de contact… tout ça, c’était Pierre, qui le faisait avec brio !

Aujourd’hui, notre association est en deuil. A toutes les personnes qui l’ont connu, ayez une pensée pour lui et ses proches.

Voici ci-dessous l’hommage du président de la MMM, Jean Schils, lors de la messe de funérailles du 7 janvier à l’église de Frameries.

 

 

Cher Pierre,

Qu’il est difficile d’accepter la mort d’un ami…

Amis, nous l’étions depuis si longtemps. Depuis 50 ans. Un demi-siècle !

Depuis que nous nous étions rencontrés sur les bancs de notre Alma Mater, l’Université de Liège, où nous faisions nos études d’histoire ancienne, dans notre petite classe de 9 étudiants.

Avec quelques autres, tu avais mis sur pied une Maison des historiens, à la rue des Carmes, sur le modèle de ce qui existait à Louvain : pour Liège, c’était une nouveauté !

Une fois sortis, nous nous étions perdus de vue quelques années, le temps de mon séjour de coopérant en Afrique.

Arrivé à Mons en 1975 d’une manière inattendue, je tombe un jour nez à nez avec toi et Jeannine sur la Grand-Place. Vous m’avez sur le champ invité dans votre petit appartement à Frameries, dont je me souviens bien.

Depuis, nos familles étaient restées liées. Chacun de nous voyait naître et grandir les enfants de l’autre. Et chacun participait aux travaux d’aménagement que l’autre entreprenait : mon garage, ton allée de pierre bleue, et bien d’autres… Mais attention ! Tu avais instauré une règle impérative, à laquelle nul ne pouvait déroger : 50’ de travail, 10’ pour la cigarette et le café. Chronomètre en main ! Sans doute une manie de prof conditionné par les heures de cours de 50’ rythmées par la sonnerie…

Enseignant, tu le fus passionnément ! Nous avions là un point commun et le plaisir d’en parler entre nous. Ce que l’un inventait, l’autre pouvait en profiter.

Après ton service militaire en Allemagne, tu fis toute ta carrière à l’Athénée Royale Jourdan de Fleurus. Un endroit rêvé pour un historien : cfr bataille de Fleurus, 1794.

Je me suis amusé à calculer le nombre de trajets autoroutiers que tu as parcourus entre Frameries et Fleurus : environ 160 fois par an pendant près de 40 ans, soit 6.500 trajets pour l’aller et autant pour le retour ! Par ta consommation de carburant, tu rendais à l’Etat une partie de ce qu’il te versait… Généreux, comme toujours !

La passion te permit d’être un enseignant hors normes puisque l’Inspecteur d’Histoire de la Communauté Française, qui n’était pas un laxiste, t’attribua la mention « Exceptionnel ». Tu avais les idées claires, l’esprit de synthèse, la capacité de rendre ton cours passionnant, notamment pour tes élèves de l’option Histoire.

Voici le témoignage de Madeleine Jacquemin, Docteur en Histoire : « Pierre Moiny a été mon professeur d’histoire et d’option histoire pendant deux ans à raison de six heures par semaine. Il était exigeant: une interro tous les lundis et un TFE à rendre chaque année. Mais ses qualités pédagogiques et humaines font qu’il restera mon professeur préféré de l’Athénée. Vous avez accompli du bon boulot. Je ne vous oublierai jamais, Monsieur Moiny. Reposez en paix avec Michel Mourre, votre historien de référence… »

Samedi soir, sur notre page Facebook annonçant ton décès, 199 messages avaient été déposés, pour la plupart de tes anciens élèves, témoignant tous d’une admiration unanime et sans réserves.

En 1986, quand se précise le projet de créer une Maison de la Mémoire à Mons, tu es le 1er à monter dans le wagon. Tu te proposes pour assumer le secrétariat, que tu garderas jusqu’au bout, pendant 31 ans. Tu seras d’ailleurs le premier à te former à l’informatique, que tu introduis dans notre association avec un sourire gourmand.

La fonction de secrétaire, tu la définis dès le départ de la manière la plus large, comme un secrétaire communal, qui est en fait le directeur général des services communaux. Sauf que toi, tu n’avais pas de personnel à ta disposition et que tu faisais tout, tout seul :

  • la rédaction des rapports de réunion
  • la tenue des registres et documents officiels
  • la correspondance avec l’extérieur
  • la gestion des archives
  • la photographie de nos diverses activités (la photo, tu aimais ça !)
  • la mise en page, l’impression et l’envoi d’Interface
  • la même chose pour les Cahiers de la Maison de la Mémoire
  • le central téléphonique pour les inscriptions et les souscriptions

Tout ça, tu le faisais dans la plus grande discrétion car tu avais horreur d’être poussé au premier plan. Jamais tu n’aurais accepté d’être filmé ou interviewé. « Je ne suis pas à l’aise avec ça », me disais-tu.

Tu le faisais aussi avec une efficacité telle que je n’avais jamais à m’en soucier, ce qui me permettait de consacrer tout mon temps à nos activités. Quelle chance pour moi d’avoir eu, à ma droite (comme aux réunions), un second pareil !

Depuis 2 ou 3 ans, tu te plaignais de ton état physique et de ta difficulté grandissante de concentration. Seulement voilà, tu étais irremplaçable… Entre tes deux hospitalisations, en octobre, tu assures encore la mise en page et l’envoi d’Interface, le 124e numéro qui sortait de ton clavier, en t’excusant de ne pas pouvoir aller le porter à l’impression !

Et tu ajoutes, en un ultime défi : « Je ne lâche rien ».

C’est au cours de ces dernières semaines que nous prîmes la mesure de l’espace que tu occupais, quand il fallut pallier à ton absence pour toutes ces tâches, décrypter ton mode de fonctionnement numérique, ausculter tes PC… Ce n’était pas une mince affaire.

En fait, tu n’avais jamais réussi à faire le deuil de Jeannine et c’est sans doute pour ça qu’en ce jour de Nouvel An, tu as décidé d’écrire le mot « Fin ».

Je t’avais souvent prévenu : « Si tu t’en vas, j’arrête aussi ». Et voilà que tu es parti et que je suis bien obligé de rester car je t’entends dire de là-haut, sur le ton que nous te connaissons : « Je n’ai quand même pas fait tout ça pour rien ! ». Alors oui, on va continuer Pierre, sans toi, malgré tout. Ce sera notre manière de te remercier.

Il ne faut pas, dit-on, tenter de retenir ceux qui s’en vont.

Nous te laissons donc partir, avec infiniment de tristesse.

En te disant merci.

En te disant que tu continueras à vivre,

dans notre mémoire

et dans notre cœur.

Jean SCHILS